L'histoire des grandes campagnes de communication ne peut être racontée uniquement en se référant aux actions destinées au grand public. En effet, depuis 1976, le tabagisme à l'adolescence s'est avéré être un enjeu majeur. Principales cibles de l'industrie du tabac, les jeunes sont depuis de nombreuses années au centre de l'attention : «L'adolescent d'aujourd'hui est le client régulier potentiel de demain» (Philip Morris, 1981). Par le parrainage de spectacles et d'événements sportifs, en créant des produits nouveaux et dérivés, en faisant du lobbying…, calqués sur des stratégies de marketing de masse, les cigarettiers ont très vite tiré les leviers qui ont favorisé le « recrutement » des adolescents. En représailles, les législateurs ont introduit au fil des années de nombreuses mesures différentes : interdiction de la vente des paquets de moins de 20 cigarettes, hausses brutales et successives des prix, interdiction de la vente de tabac aux moins de 16 ans en 2004, extension aux moins de 18 ans en 2010, interdiction de fumer dans les établissements scolaires en février 2007, puis dans tous les lieux publics en 2008, mise en garde écrite et graphique sur les paquets de cigarettes, interdiction de vente de cigarettes sucrées, etc. En parallèle, les campagnes de prévention ont relevé le délicat défi de proposer des messages destinés à toucher cette population, si imperméable aux messages de santé publique, perçus comme paternalistes et déconnectés d'une tranche d'âge concernée par l'expérimentation des adolescents. Il s'agit d'un groupe de population aussi complexe de par sa diversité, étant à la fois «tribal et universel, individualiste et uniforme, égoïste et pourtant solidaire, indépendant et dépendant vis-à-vis du monde adulte, enfreignant et respectant les règles, voire exigeant des règles ».
C'est aussi un collectif dont l'alimentation médiatique et le mode de vie sont très différents de ceux des adultes. Face à la complexité d'un âge où les comportements sains ne sont pas une priorité et la distanciation des risques généralisée, les campagnes de prévention ont donc multiplié les démarches afin de toucher le public cible des jeunes dans le cadre du processus plus global de dénormalisation de fumer.
Entre 1978 et 1988, les campagnes de communication privilégient le recours à des stratégies auxquelles les jeunes sont sensibles, ciblant des valeurs qu'ils jugent essentielles, comme la liberté («Une cigarette écrasée c'est un peu de liberté gagnée” – 1978) et allure (“Fumer n'est plus cool” – 1988). Dans les années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la loi Evin, la CFES a bénéficié d'un contexte favorable pour s'engager dans une nouvelle stratégie : valoriser l'image du non-fumeur et parler des risques à court terme. A travers la campagne "L'énergie n'est pas faite pour partir en fumée» (1993), cela a été abordé en qualité de « normal » : comme la majorité des jeunes, le non-fumeur enfreint les règles, aime la musique, l'amour et le sport et a déjà essayé de fumer. Cependant, c'est en décidant d'arrêter qu'ils démontrent leur force et leur caractère, et montrent qu'il est possible de trouver du plaisir à autre chose que fumer.
Thanh Lê Luong
Thanh a été nommée directrice générale de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé en décembre 2008. À la tête de cet organisme public, elle est en charge de la mise en œuvre du volet préventif. des plans de santé publique du ministère de la Santé, qui s'illustre principalement par la réalisation d'actions d'expertise, d'information et de communication concernant les différents facteurs de risques sanitaires (alcool, tabac, VIH et SIDA, nutrition…), en partenariat avec les réseaux locaux et agents dans le domaine de l'éducation à la santé et de la promotion de la santé.